Carême, Carême ?

Carême. Carême ?

Comme chaque année à la même époque fleurissent dans nos paroisses, notre courrier, des propositions « d’offrande, d’effort, d’initiative… » de Carême. Mais qu’est-ce que le Carême pour les chrétiens, plus particulièrement pour les protestants de l’éPUF, et pour les catholiques ? C’est à cette question que le Pasteur Gérémie et le Père Stéphane-Jacques sont venus apporter des réponses lors de la « conférence à deux voix » organisée le 22 mars en l’église-temple de Beaumont-lès-Valence, à l’initiative de l’équipe œcuménique de ce territoire.

Après un chant d’unité entonné par la bonne trentaine de participants : « Ah qu’il est doux pour des frères de demeurer ensemble, dans l’unité, la prière, dans l’Esprit qui rassemble », c’est le Pasteur Gérémie qui ouvre la conférence, en rappelant l’étymologie, l’enracinement biblique et l’évolution historique de ce temps. Le mot carême vient du latin quadragesima dies, quarantième jour, et définit la période de préparation à Pâques. Le choix de ce nombre est symbolique et correspond aux quarante années d’errance dans le désert du peuple juif libéré sous la conduite de Moïse de la servitude égyptienne, avant son entrée en terre promise, et aux quarante jours que Jésus passa à jeûner dans le désert après son baptême et avant le début de sa mission. Temps d’épreuves qu’il faut surmonter, temps de dépouillement qu’il faut accepter, temps de rencontre avec Dieu, venant combler le manque creusé en nous et permettant un nouveau départ avec de nouvelles options pour l’avenir. Aux premiers siècles, temps de préparation au baptême pour les catéchumènes, puis, à partir du IVème siècle, temps de pénitence pour toute l’église, dans le jeûne et l’abstinence. Avec la Réforme, une divergence se crée entre catholiques et protestants, ces derniers évacuant l’idée d’efforts personnels, puisque tout est grâce, que Dieu seul nous justifie sans que nos œuvres entrent en compte. Pour autant, le Carême devient progressivement pour les protestants un moment de réflexion sur ce que signifie être disciple du Christ.

En s’appuyant sur les textes de la messe du mercredi des Cendres, le Père Stéphane-Jacques définit ensuite le Carême comme un combat spirituel, bien symbolisé par l’imposition des cendres au cours de cette célébration, sur le front des catholiques, ce front qui a reçu l’onction du Saint-Chrême au jour de leur baptême. Parce que chaque baptisé est déjà justifié par la mort et résurrection du Christ, il s’agit pour lui d’être juste en accomplissant charité, prière et jeûne, sans ostentation, « ton Père qui voit dans le secret te le rendra » (Matthieu 6). Pour autant, il ne s’agit pas de montrer une « face de carême », véritable contresens, car le but de ce qui « [est fait] pour devenir des justes » est d’arriver à Pâques, puisque c’est à ce mystère que mène le Carême, dans la joie de se savoir déjà sauvé. Donc, ne pas confondre charité et marchandage, prière et rabâchage, jeûne et régime en vue de façonner un beach body… Ce qui compte, c’est de trouver ce qu’il faut convertir en nous, afin d’accueillir dans la foi l’Esprit du Seigneur. Et donc pour cela, chercher un triple ajustement, à Dieu en le louant pour tous ses bienfaits, à nos véritables besoins en nous dépouillant du superflu, à nos prochains en partageant avec eux. C’est ce que l’on appelle la vertu de justice.

Après un temps d’échanges, de questions, réponses et témoignages, l’accent final est mis sur la foi en la présence permanente du Christ en nos vies, même, surtout, pendant les épreuves ; ce qui doit susciter en nous une grande espérance, et nous amener à nous rappeler régulièrement, même pendant les 325 (ou 326) jours de part et d’autre du Carême, le chemin qu’il a tracé. Au-delà des différences de pratiques rituelles, protestants et catholiques se rejoignent donc pour vivre le Carême comme un temps d’ajustement et d’attente. à nous de profiter de ces 40 jours pour repenser notre vie personnelle et sociale et la mettre le plus en adéquation possible avec les attentes de Dieu par la prière et le service. Le Carême est ainsi un avant qui mène à l’après qu’est le matin de Pâques, Et donc, comme l’assemblée l’a chanté, avant le verre de l’amitié, il s’agit de se préparer à « ne pas rentrer chez nous comme avant, à changer nos cœurs, à vivre en hommes nouveaux ».

Anne-Marie Jammes et Francine Rouméas