Du côté des jeunes… et de leurs familles : Parents d’ados en 2023 !

C’est à partir de cette invitation que Dominique ARNAUD, psychologue clinicienne a donné une conférence aux parents et grands-parents de l’aumônerie et du collège F. Gondin le vendredi 10 mars 2023. C’est une gageure de retransmettre dans ces pages un aperçu de ce que nous avons entendu, alors merci à Patricia CONSTANT, maman, mamie, enseignante et animatrice d’aumônerie d’avoir relevé ce défi !
L’enjeu est de taille : comment ne pas rêver la parentalité mais plutôt la vivre dans la réalité d’aujourd’hui ?
Avant de nous proposer une certaine lecture de ce qu’il se passe dans notre société, Dominique ARNAUD nous a demandé ce qu’on s’était dit à l’issue des deux rencontres initiées par l’aumônerie cette année, éclairées à la lumière de deux films :
▪ « Adolescentes » de Sébastien Lifshitz
▪ « Mauvaises Herbes » de Kheiron
- On s’interroge sur la forme des relations entre les parents et leur adolescent.
Comme nous sommes des êtres de relation, on se construit d’abord sur la similitude. L’adolescent a recours au mimétisme. Pour grandir, il s’appuie sur l’identique, MAIS aussi en s’affirmant et donc en revendiquant sa différence. Et c’est justement dans cette dichotomie essentielle et indispensable qu’est toute la difficulté. Et quand on est parent, il faut conjuguer ces deux réalités. Contrairement à l’enfant, l’adolescent a besoin d’une marge de liberté pour expérimenter et comprendre, dans le sens latin de cum – prendere, pour mieux appréhender et le parent doit lui faire confiance, c’est une forme d’autorité qu’on doit exercer. Le parent doit accepter que certaines décisions appartiennent à l’adolescent. Ce dernier a besoin d’être protégé ET libre, il faut répondre à ce besoin de dépendance et d’émancipation.
- Les jeunes nous ont dit qu’ils avaient besoin d’être aimés parce que c’est dur d’être adolescent.
Cette inquiétude est légitime puisque c’est le propre de l’adolescence d’être mal dans sa peau et d’avoir peur de ne pas être dans le groupe, peur qui vient supplanter celle qu’on a pu connaître d’être à la hauteur. On découvre là que notre adolescent vit dans un monde en dehors de la relation quasi exclusive parent / enfant. Et la présence toujours grandissante, voire omnipotente des nouveaux outils de communication (pour ne pas montrer du doigt le téléphone portable) complique les choses car elle offre à nos jeunes des réseaux accessibles et abyssaux où ils trouveront toujours des témoignages ou des arguments à brandir pour contredire les parents. Tout le monde est expert et efface les repères qui faisaient autorité. Tout le monde dit ce qu’il pense et ce qu’il ressent mais cela ne remplace pas le Savoir des experts.
- On a peur de mal faire ou de ne pas savoir comment faire.
C’est normal car on assiste à un remaniement d’identité. L’adolescent va choisir une émancipation trop rapide qui va engendrer une rupture dans la relation (pas une rupture de la relation). Or une identité, ça se construit, ça ne se décide pas, ça ne se choisit pas, on ne se calque pas sur les modèles parentaux, ça se construit et ça prend beaucoup de temps. Les parents sont bien sûr les premiers convoqués pour cette construction mais des éléments acquis, biologiques et spirituels s’ajoutent pour bâtir l’édifice. L’être est fait d’un corps + un psychisme + une âme dans un moment social où l’on dit partout que Dieu est mort ! On avait, nous, parents, des limites et des repères dont on a peur maintenant parce que la société est devenue binaire et un peu excessive : si je ne choisis pas tout, je ne choisis rien et donc je suis opprimé ! Mais c’est une mauvaise lecture de la vérité et en même temps qu’on balaie les nuances, on devient victime de chosification en se laissant enfermer dans une relation de captation, dans le piège de l’emprise. On revient un peu, et c’est tant mieux, sur l’idéologie post 68 où il était interdit d’interdire. On a enfin compris que la toute-puissance de l’enfant est normale mais que c’était de la folie de le laisser croire que ça pouvait continuer après. Les adolescents entendent des idéologies qui les captent mais nous, parents, on ne doit pas douter sinon il va devenir très difficile d’être parent. Si nous doutons alors l’adolescent continue dans son délire de toute puissance et de toute connaissance. Il faut avoir confiance en notre rôle de parent et ne pas se laisser contaminer par la souffrance de notre adolescent, sa souffrance est bien réelle mais ce n’est qu’un symptôme de son âge. Et il ne faut pas devenir victime de la tyrannie du symptôme. Jouer son rôle de parent, c’est lui dire de se coltiner à la réalité. C’est à ce prix-là qu’il va apprendre la créativité. Si on l’écoute trop, si on lui obéit, si on a peur avec lui, on empêche sa maturation psychique. Et alors non seulement il n’aura pas les outils pour affronter les différents problèmes mais en plus il risque de trouver à l’extérieur de lui, sur les réseaux sociaux, ce qui va lui permettre de ne pas savoir les affronter. Et là, c’est très angoissant, sinon dangereux. On se sent mal ? Eh bien c’est le moment d’écouter à l’intérieur de soi et de se mettre à l’écoute de l’Esprit. Lui seul nous dit ce que l’on est et pas ce que d’autres voudraient que l’on devienne. Passer de l’enfance à l’âge adulte, c’est passer du principe de plaisir à celui de réalité et apprendre à gérer la frustration. Il n’y a pas d’apprentissage sans ces limites. L’adolescent n’est pas là pour confirmer notre rôle, sinon on a une inversion des rôles qui donne le vertige.
Un conseil pour terminer ?
Oui, parents vous êtes des passeurs. Vous devez faire découvrir à vos jeunes leur pouvoir de créativité, c’est-à-dire une manière de trouver une voie de vie avec les contraintes de la réalité. Et on n’oublie pas qu’on lui permet d’être lui-même en étant nous-mêmes. Le jeune va passer par l’identification, l’intériorisation puis la création. On n’est pas parfait mais il va faire avec. Et puis il doit avoir le sentiment d’avoir inventé !
Il y a bien longtemps que j’ai fini ma crise d’adolescence mais en ce temps de Carême, submergée par les actualités et fatiguée de la précipitation, j’ai bien envie de suivre les conseils de Dominique ARNAUD, me mettre à l’écoute de l’Esprit pour qu’Il me rappelle qui je suis, une chrétienne, et pas tout ce que d’autres voudraient que je sois. Je vous souhaite à tous de pouvoir prendre ce temps !
Patricia Constant