La Vierge aux mille visages

Les écritures ne fournissent pas de description mariale. Quelques évocations y font référence :

  • Le prophète Isaïe (Is 66,12) : « Ils te porteront sur la hanche… Vous serez allaités, portés sur la hanche. »
  • Le livre des Proverbes (Pr 8,1 / 8,22…) : le « trône de la sagesse… »
  • Le livre de l’Apocalypse (Ap 12,1 et suiv.) parle de la Vierge sous la forme assomptionnelle.

Les artistes ont ainsi une page quasiment blanche pour représenter Marie. Mais, dès l’origine, le visage de la Vierge est inséparable de son Fils ; elle concourt à l’histoire du Salut, elle est Théotokos, la mère de Dieu, et c’est sous cette forme qu’elle apparaît le plus souvent. L’une des premières représentations de la Vierge connue est une Vierge à l’enfant de la Catacombe de Priscilla à Rome (IIIe siècle). Et depuis 2000 ans la Vierge a pris mille visages et mille expressions au gré des inspirations, influences, époques, des modes et des lieux. Mais c’est toujours la même beauté indicible de la Mère de Dieu que les artistes essaient de traduire. Le 15 août est l’occasion de célébrer Marie à travers un visage mystérieux, celui de son assomption. Les images de l’élévation de la Vierge au Ciel après sa mort sont tardives dans l’art. La notion de l’assomption de la Vierge apparaît importée d’Orient, d’abord sous la forme de la célébration de la Dormition, puis de l’Assomption à partir du VIIIe siècle. C’est à partir des XIIIe-XIVe siècles qu’on commence à trouver l’iconographie de la Vierge s’élevant seule parmi des anges. Marie nous invite à contempler notre passage de la terre au ciel.

Prenons le temps de nous arrêter sur le tableau peint en 1432 par le bienheureux Fra Angelico dans l’église dominicaine de Santa Maria Novella à Florence : « La Dormition et l’Assomption de la Vierge Marie ». Ce tableau, composé de deux panneaux, synthétise les deux visions de la mort de Marie. Tout en bas, Marie est couchée sur un brancard, entourée des Apôtres et de Jésus qui tient son âme dans les bras. Cette image particulièrement touchante vient en miroir de toutes les Vierges à l’enfant. Tout en haut, elle pénètre glorieusement dans le Ciel, accueillie par une foule d’anges et rejoignant les bras de son Fils qui l’attend. Elle est représentée, vêtue de lumière, escortée d’anges musiciens. Là encore, les bras ouverts de Jésus l’accueillent. Fra Angelico porte génialement notre regard du bas vers le haut, de la terre au ciel, rappelant l’histoire du Salut.

Ce qui me bouleverse dans ce chef d’œuvre lumineux, c’est cette inversion de vision traditionnelle de Marie et Jésus. Ce n’est plus Marie qui attend la Bonne Nouvelle, mais c’est le Christ qui attend en Père et accueille. Marie nous ouvre le chemin, par elle nous rejoignons le Christ et le chemin du Salut.

 

Danielle SIMON