Commentaire de l’Ecriture, La Croix, 14ème dimanche du TO, année C

(Is 66, 10-14c)
(Ps 65 (66), 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20)
(Ga 6, 14-18)
(Lc 10, 1-12.17-20)

Votre avenir appartient au ciel

Quels sont vos meilleurs souvenirs ? Quels événements du passé vous réjouissent encore simplement en y pensant aujourd’hui ? Telle aventure entre ami(e)s ? Tel concours réussi, telle victoire remportée au niveau sportif ou dans une compétition plus professionnelle ? Tous nous portons en nous de ces souvenirs : une issue heureuse, attendue ou inespérée, qui provoque toujours, longtemps après, un même sentiment de joie et éventuellement de fierté. Mais comment cela se passe-t-il dans le domaine spirituel ? Existe-t-il une sorte de « performance » de la foi de type pastoral ou d’évangélisation dont nous pouvons nous réjouir ? L’Évangile aborde cette question.

Réjouissez-vous, dit le Christ. Cette joie dont témoignent les disciples après leur envoi en mission a toutefois besoin de nuances. Oui, ils ont fait une première expérience heureuse : porter une parole qui s’enracine dans celle du Maître. Mais leur joie s’attache-t-elle uniquement à la force performative de cette parole auprès de leur auditoire ? Jésus rectifie leur compréhension. Cause et effet ne sont pas à confondre. L’efficacité de l’action apostolique ne provient pas des dons naturels ou spirituels des disciples. Sa source est en Dieu lui-même. La seule joie légitime est celle d’un émerveillement : leurs noms à eux sont inscrits dans les cieux, comme le formule le texte biblique.

Qu’est-ce que cela veut dire ? L’expression au passif met les disciples en garde. Ce n’est pas un mérite qui fait d’eux les témoins du Christ, des prédicateurs efficaces ou des thaumaturges exceptionnels. L’Invisible seul est à l’origine de tout ; celui par qui Jésus lui-même reçoit son être et son mandat. Dans un monde ambigu par rapport à son avenir, la seule joie capable de (sup-)porter les réussites comme les échecs provient de Celui qui envoie. Jésus sait de quoi il parle. Et il ne veut laisser aucun doute pour ses amis, envoyés eux aussi pour attester dans un environnement parfois hostile des initiatives de Dieu. Il se rend proche. Il désire qu’on lui accorde le mot de la fin, le mot de la grâce. C’est cela qu’implique le terme « règne de Dieu ».

Secouer la poussière collée aux pieds pour la rendre aux villes inhospitalières ? Publiquement ? Ce geste n’est pas une malédiction secrète ni un signe de vengeance. Mais un langage dans lequel les messagers retrouveront leur liberté et leur rôle : ils sont envoyés pour apporter la paix, pour guérir les relations sociales, pour oser une parole neuve. S’ils rencontrent un rejet ou une fermeture à cette manière de vivre, celui-ci concerne le Christ. C’est lui qui, au nom du Père, les a mis en route.

Au départ les disciples n’avaient rien avec eux, ni bourse, ni sac, ni sandales. Mais il importe que, en quittant un lieu, ils ne se chargent pas de ce qui leur est arrivé sur place : un non-accueil, une absence d’écoute, une méfiance spirituelle. Leur mission ne comporte pas une obligation de résultat au sens moderne du mot. Ils ne seront pas renvoyés. Leur chemin ne sera pas différent de celui du Maître. La croix infligée au Seigneur barrera aussi la route des disciples.

Et la prière ? Elle précède tout. Le Christ invite à prendre la mesure de ce qui est à faire. Une disproportion importante apparaît entre l’immensité de la tâche à accomplir et le manque de personnes pour la prise en charge. On croirait entendre les responsables actuels de nos Églises. Mais au-delà de la similitude de l’analyse, invitent-ils vraiment à cette prière que Jésus propose ? une prière de confiance, une prière qui procure la paix à celles et ceux qui se mettront à agir. Pas d’effervescence, pas de panique ni de stress. Ils auront déchargé leurs soucis sur Celui qui est le maître de la moisson. Et qui a osé commencer avec un seul, que ce soit Abraham ou Jésus.

Réjouissez-vous. Votre identité, votre dignité, votre avenir appartiennent au ciel.

 

Agnes von Kirchbach