A la une … « Il est temps d’agir, et durant le Carême, agir c’est aussi s’arrêter. » -1

Au matin de Pâques, des femmes reviennent du tombeau et annoncent aux apôtres : Jésus est ressuscité ! « Mais ces propos leur semblèrent délirants, et ils ne les croyaient pas. » (Lc 24,11). Soyons honnêtes : à la place des apôtres, aurions-nous pris le temps d’écouter ces femmes et la nouvelle qu’elles venaient porter ? Il y avait sans doute autre chose à faire et à discuter, ce matin-là : certains s’apprêtaient à quitter Jérusalem pour retourner chez eux, à Emmaüs ; il y avait un vrai risque à rester là, à Jérusalem, et l’avenir de ce petit groupe de disciples semblait bien incertain…

Bref, autre chose à faire que d’écouter des « propos délirants ».

Et nous, dans notre vie d’aujourd’hui, quelle place pour entendre la nouvelle de la résurrection ? Pour écouter des paroles peut-être déconcertantes, peut-être portées par des tout-petits, par des personnes entrevues, dites à des moments où on ne les attend pas ?

Quelle place pour écouter la Parole de Dieu ? Les enfants du caté l’ont découvert avec la parabole du semeur : parfois, la Parole tombe au milieu des préoccupations et est étouffée par les ronces. (Lc 8, 14).

Quelle place pour voir la réalité, comme nous y invite le Pape François, écouter les clameurs de nos frères et sœurs qui souffrent, la clameur de la Création ? Pour ne pas laisser une actualité chasser l’autre mais se souvenir des questions complexes auxquelles nous devons faire face aujourd’hui ? Pour prendre le temps de creuser, d’approfondir un sujet, de découvrir cette complexité qui ouvre la voie à un vrai dialogue, de vraies solutions ?

Lors du rassemblement Kerygma, à Lourdes, nous sommes nombreux à avoir été marqués par la conférence de Mgr Bustillo qui nous faisait remarquer : « l’homme baigne dans un monde frénétique où l’accent est mis sur le faire. (…) En s’inspirant de Descartes, on peut imaginer le dicton de l’homme moderne : « Je fais donc je suis ». (…) La course insensée au faire a provoqué des fissures dans le système social. (…) En réaction à l’activisme, notre mission chrétienne nous invite à explorer d’autres domaines de la vie humaine qui ne sont pas liés à la production. Il est important de redécouvrir la dimension de la gratuité. »

Pendant ce Carême, il est en effet urgent de s’arrêter, de faire une place au silence, à l’écoute. De reprendre à notre compte les mots d’Anne Le Maître2 :

« Moi, je crois en la philosophie. Je crois en la prière. Je crois en ces activités non marchandes que sont une balade en forêt, une longueur d’escalade ou la contemplation d’une grève que viennent battre les vagues.

Je crois en la fatigue et en la fragilité.

Je crois en la tristesse.

Je crois en la défaite et à l’échec.

Je crois au désœuvrement et à l’ennui qui peuvent être de si fertiles terreaux. »

Pendant ce Carême, prenons le temps de nous arrêter et de faire silence, pour écouter.

 

Anne Doutriaux

 1 – Pape François, Message pour le Carême 2024

2- Anne Le Maître, Un si grand désir de silence