Commentaire de l’Écriture, La Croix, dimanche des Rameaux, année A

Mt 21, 1-11
Is 50, 4-7
Ps 21 (22), 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a
Ph 2, 6-11

Patrick Laudet, diacre à la cathédrale Saint-Jean de Lyon

Comprendre

Pour l’entrée glorieuse d’un Roi à Jérusalem, il fallait quand même bien une monture. Mais pas un cheval, comme les fiers empereurs romains pour leurs triomphes en grande pompe. Ce sera un âne, éternel compagnon de trajectoires plus humbles. Bien sûr, la façon dont Jésus le réquisitionne, privilège des souverains, manifeste clairement sa royauté. Bien sûr, le prophète Zacharie avait annoncé que le Roi-Messie viendrait sur ce moyen de transport des petites gens (Za 9, 9). Mystérieuse collaboration du règne animal ! À cet instant, âne et Dieu ont dû croiser leur regard fraternel, pour partager un bien étrange chemin. L’âne t-il compris vers où l’on marchait ? A-t-il partagé un peu de la solitude secrète de Jésus au milieu de la foule ? Pour ce moment unique, l’âne a fait à Dieu un vrai cadeau : lui donner une monture à hauteur d’homme. Car même monté, le Dieu triomphateur voulait vraiment rester à notre hauteur. Mais qui donc est ce Dieu qui choisit un petit âne comme ostensoir ?

Méditer

De notre humanité, il a vraiment voulu tout goûter hormis le péché. Nos joies, nos peines, et même nos petits triomphes. Avec son entrée glorieuse à Jérusalem, dans sa tendresse, Dieu a sanctifié même nos glorioles dérisoires, sans être tout à fait dupe. Jésus superstar ! Hosanna ! C’est que, aux yeux de tous et en pleine effervescence de la montée vers la Pâque, il vient de faire un très grand coup. Il a ressuscité Lazare qui, dans le coin, n’était pas un inconnu. Le miracle a donc éclaté. À Jérusalem, un véritable séisme. Et Dieu sait si, là comme ailleurs, on aime les héros ! Et les héros d’un jour… Alors, c’est émouvant, Jésus consent. Il joue le grand jeu, le jeu de la gloire humaine. Qui comprend cependant qu’il entre alors dans bien davantage qu’une ville. Car il a commis l’irréversible. Il sait que la Pâque pour lui est désormais secrètement engagée.

Pour l’heure, il chevauche son âne, met ses pas dans ceux de David et assume une royauté dont il ne fera maintenant plus mystère, même si le malentendu partout grandit. Avec douceur, et peut-être même en souriant, il fait bon accueil aux ovations. Au fond de lui, il est déjà plein de larmes, de ces larmes qu’il va bientôt verser sur cette ville en liesse qui l’acclame avant de le mettre à mort.

Aux portes de Jérusalem déjà en surchauffe, il voit le délire autour de lui. L’ovation collective est si intense, les bras n’y suffisent plus. On les prolonge par des acclamations de palmes. On cueille et on coupe à tout-va ! On sacrifie aussi les manteaux pour parer sa route. On ne recule devant rien pour célébrer l’arrivée du Messie, dont personne n’avait encore idée du don qu’il cachait dans son cœur. Au milieu des clameurs, qui a su deviner qu’en montant sur ce petit âne-là, c’était sur la Croix qu’il montait déjà ?

Prier

Seigneur Jésus, comme tu es entré à Jérusalem, entre un jour de façon décisive dans nos humbles vies. Sachons alors t’acclamer et t’ouvrir grand les portes de nos citadelles intérieures, qui attendent en vérité une royauté d’amour.

Seigneur Jésus, aide-nous à préférer au compagnonnage des chevaux arrogants qui donnent puissance celui des ânes modestes, et à vivre nos chemins les plus difficiles au régime chaotique de la douceur humble et de la pauvreté.

Seigneur Jésus, apprends-nous à ne pas être dupes des petites gloires humaines de nos vies, à les goûter pour ce qu’elles sont, mais à pressentir, sous les apparences du triomphe, la profondeur de la Croix et du don secret d’amour qu’elles dissimulent parfois.