Commentaire de l’Écriture, Sainte Trinité, année C

(Pr 8, 22-31)
(Ps 8, 4-5, 6-7, 8-9)
(Rm 5, 1-5)
(Jn 16, 12-15)

Une pédagogie trinitaire

Ce texte fait partie du deuxième « discours d’adieu » de Jésus à ses disciples et veut répondre à l’incompréhension et à la tristesse provoquées par sa mort prochaine. Il met l’accent sur la venue de « l’Esprit de vérité » qui agit aussi bien dans le monde que dans la communauté des disciples de Jésus. Il répond à la crise existentielle dans laquelle le départ de Jésus l’a plongée. Désormais, les voilà précipités dans le monde, sans le maître dont ils se réclament. Mais Jésus les avait mis en garde : sa mort ne fait pas disparaître la vérité qu’il incarne, c’est-à-dire la pleine manifestation de la réalité de Dieu au sein du monde. Condamné à mort pour blasphème alors qu’il rendait témoignage à Dieu, sa mort participe à la manifestation de la présence de Dieu dans le monde. En le ressuscitant, Dieu juge ce témoignage et prend parti en sa faveur.

L’action de l’Esprit de vérité assure, dans le monde et dans la communauté de ses disciples, cette présence postpascale de la réalité de Dieu incarnée par Jésus. Dans le monde, il démasque l’esprit de mensonge, de division et d’injustice déjà vaincu dans la résurrection du Christ. Dans la communauté de ses disciples, il les invite à s’approprier la vérité de ce qu’il est dans le jugement de Dieu, autrement dit à s’approprier la réalité divine présente chez celui dont ils ont partagé la vie durant trois ans.

Pour aider ses disciples à s’approprier cette vérité, Jésus indique la pédagogie de Dieu, qui est trinitaire : la source est située dans l’amour du Père, qui la communique tout entière à son Fils. Dans la vie et la mort de Jésus, celui-ci la manifeste pour l’humanité tout entière. Mais cette manifestation devient accessible aux disciples qui se laissent conduire par « l’Esprit de vérité », à la lumière du jugement posé par Dieu sur la vie de Jésus. La vérité du Christ ne pointe pas seulement « ce qui va venir », tel un horizon inatteignable. L’Esprit conduira moins les disciples « vers » la vérité que « dans » la vérité. Le cheminement relève ici d’un mouvement d’appropriation d’une réalité déjà là, donnée en Jésus et, par participation, à ses disciples, pour l’humanité tout entière, mais dans un mouvement à reprendre à chaque génération.

Pour notre génération confrontée, à son tour, à une crise de crédibilité, ce texte nous rappelle qu’avant les questions institutionnelles qui doivent certes être abordées, la priorité est l’appropriation de la vérité du Christ pour notre temps. À bien des égards, tout montre que depuis plusieurs décennies, cette démarche d’appropriation s’est enrayée… À nouveau, le langage religieux dont nous avons hérité semble avoir fait son temps… Or, à la différence d’un orchestre qui interprète une partition, la tentation est de répéter les mêmes notes, tel un disque rayé. Dans l’écart qui grandit entre les pratiques de piété religieuse et les questions du temps les plus pertinentes, ce texte nous invite à nous mettre à l’écoute de « l’Esprit de vérité », le même qui agit dans le monde et dans la communauté des baptisés, qui nous conduira « dans la vérité tout entière ».

Oui mais voilà : où souffle-t-il, cet « Esprit de vérité » : le même qui conduisait Jésus dans l’Évangile ? Pour creuser les questions de ce temps (recherche en bioéthique, phénomène migratoire, impact des modes de vie humaine sur l’écosystème de la planète…), sans les refermer trop vite avec des réponses trop rapides, comment repérer ses appels, sinon en dialogue avec les personnes de bonne volonté ?

Pour nous approprier la vérité du Christ dans ce monde qui se renouvelle, viens Esprit de lumière éclairer les conditions ecclésiales, cordiales et hospitalières, d’un dialogue avec nos contemporains, dans leur légitime diversité, avec la complexité des parcours ! Ensemble, grâce à un accueil évangélique simple et vrai, nous pourrons reprendre souffle et refaire nos forces.

François Picart, prêtre de l’Oratoire